Hold Up : ce n'est ni une enquête, ni un documentaire ...

J’ai vu le… quoi? Documentaire? La fiction? Le docu-menteur, comme le dit la RTS? Plusieurs de mes amis m’ont demandé ce que j’en pensais, alors voici mon avis sans prétention d’une analyse exceptionnelle.

L’actualité des décisions politiques* (plus que sanitaires), des commentaires dans la presse, nous tient dans une immédiateté dans laquelle je ne suis pas à mon aise. Cette « immédiateté » génère des publications (sur les réseaux sociaux ou de la part du journalisme même professionnel) non moins politique. Je les trouve souvent déplorables, voir lamentables dans leur immense majorité. De ce point de vue, le film est tout à fait représentatif de cette immédiateté et semble s’en inspirer.

Pour moi, il ne s’agit pas de revenir sur les éléments avancés par les personnalités qui prennent part à ce film. Il faudra encore un peu de temps pour que la vérité apparaisse clairement, c’est bien souvent comme cela que ça marche en sciences. Pour l’heure, je vous laisse le soin de consulter les sites de « fact checking » pour la contradiction et d’en tirer vos réflexions. Avec ceux-ci et en attendant d’y voir plus clair, les journalistes et chroniqueurs se sont chargés de faire un peu plus que la contradiction : insultes, attaques personnelles, discrédits portés aux professionnels qu’ils soient prof. de médecine ou autre : c’est tout simplement honteux.

Pour ne soulever qu’un point, on notera qu’il est très regrettable que l’affirmation de la création en laboratoire du virus soit posée sans même chercher la confrontation avec des contradicteurs qui se sont déjà mobilisés sur cette question pour prendre acte de l’argumentation (ou du manque d’argumentation). Cela aurait donné un film beaucoup plus sérieux. Il était possible de mentionner des hypothèses, concernant des agendas politiques cachés plutôt que de faire des affirmations à l’emporte-pièce et de les présenter comme un plan. Le film n’aurait en l’occurrence rien perdu de sa force sans agent secret n’ayant rien à dire, ni profileur douteux enclin aux délits de faciès. En l’espèce, le film semble chercher à faire encore plus peur qu’il le reproche au médias traditionnels dans la couverture de la pandémie. A mon sens, c’est dommage.

Quant à la thèse du film, elle est construite sur une juxtaposition linéaire d’affirmations. Elle ne représente « que » l’opinion des auteurs! Cela est absurde et il semble que les auteurs n’ont rien fait d’autre que d’entraîner leurs intervenants dans ce qui ressemble à un Titanic intellectuel! La proie était bien appétissante et facile dans le contexte actuel où l’amalgame est facile et la chasse aux « complotistes » ouverte. Cette pratique des auteurs me paraît dommageable car les personnes et les mouvements qui utilisent des institutions démocratiques pour s’opposer aux décisions politiques liées à cette pandémie – ce qui est d’ailleurs un droit constitutionnel – sont alors rangés dans la catégorie « complotiste ». Et c’est bien là le problème, le risque du discrédit rejeté sur tous.

Le film n’a donc pas grand-chose à voir avec une enquête ou un documentaire comme on a l’habitude de les concevoir. C’est maladroits que des gens qui produisent un film en dénonçant les médias traditionnels proposent quelque chose d’aussi peu rigoureux, voir de totalement à côté de la plaque. Alors qu’est-ce que ce film et quel est son objectif? Une théorie du complot? ah bon! et quoi? on referme le chapitre en vouant aux gémonies les auteurs, intervenants, ceux qui l’on visionné? en fait tous ceux qui critiqueraient les discours officiels par amalgames et comme je l’ai déjà dénoncé sur ce blog et au risque (peut-être avec l’intention) de segmenter la société ? Dans les faits c’est avant tout cela que l’on voit se déployer avec des réactions dignes de l’anathème jeté sur le film et tout une partie de la population qui serait séduite par de « fausses théories », captées par les réseaux (anti)sociaux, etc.

Et pourtant le film fait fureur (comme on dit). Il me semble que s’il n’est pas un vrai documentaire, il est un symbole. Une revendication pour toute une partie de la population (et affirmons tout de suite que toutes les classes sociales sont représentées y compris nombre de médecins – puisque c’est devenu un critère en soit). Sur les réseaux, on voit et entend souvent qu’il pourrait « réveiller les consciences » sans plus de précision. De quoi parle-t-on?

Ce film est un repère, une œuvre de contradiction unilatérale rassemblant tout ce qui est ailleurs insupportable à entendre. Cette assemblage discursif défie tous les discours de politiques nationales et des institutions internationales dont se saisissent des citoyens à qui une corruption systémique devient de plus en plus évidente. Il a pour fondement que l’on ne croit plus aux experts officiels. « Ils ne peuvent que nous mentir » en devient le corollaire réflexe. Cela le devient d’autant plus que des « pseudo » philosophes font la police de la pensée en pointant du doigt les complotistes comme s’il s’agissait d’une tumeur qu’il faudrait extraire du corps social.

Nous devons faire attention à cette logique de segmentation de la société… Le réveil des consciences est multiple mais son principe est à comprendre comme suit : la corruption systémique des pharmas et de l’industrie en général est endémique dans nos sociétés de démocratie économique. L’émergence d’une dictature économique, éventuellement mondialisée, mais en tout les cas au service d’une clique de milliardaires mondialistes, est à craindre.

Quant à la thèse, est-elle plausible? Certes, elle n’est franchement pas très solide et tout-à-fait problématique dans le cadre de ce film. Mais force est de constater qu’elle correspond à ce qu’un nombre croissant de personnes pensent… oui, car l’humain pense au-delà des limites autorisées ou des discours dits rationnels, et ces discours s’expriment justement hors des lieux autorisés comme effets et symptômes. Oui, la thèse est plausible car depuis la nuit-des temps des humains ont cherchés à dominer d’autres humains. Et ils y sont parvenus au fur et à mesure que les moyens techniques civils ou militaires le permettaient en rationalisant de plus en plus territoires et populations. Et il n’y a aucune raison que les révolutions que sont l’internet et l’intelligence artificielle ne soient pas considérées dans la continuité de tendances qui existent depuis toujours.

Il faut donc voir de quoi sont faites ces tendances et les phénomènes analysés localement et dans leur immédiateté ne le permettent que difficilement. Mais sans doute que Hold Up en présente néanmoins le sujet. Dans une scène on voit une sage-femme écouter une conférence d’un monsieur ma foi représentatif d’une idéologie fort peu acceptable prononcée à Science-Po. Le propos est spencériste et est plus subtil qu’il n’en a l’air au premier abord. C’est cette subtilité qui a été utilisée par le conférencier pour se défendre de condamnations qui n’ont pas attendu Hold Up pour se faire entendre. Élitiste insupportable, il dit précisément (en voici la paraphrase) qu’il faut que cette élite intellectuelle produise une « société inclusive » en trouvant le moyen d’éviter qu’il y ait un gigantesque gap intellectuel entre les « dieux » et les « inutiles » qui auront du mal dans le nouveau monde compliqué dans lequel nous entrons. Or, ce gap doit être contrôlé par les « dieux » par le biais des technologies transhumanistes.

Dans cette rhétorique, on passe de la société complexe (E. Morin) au monde compliqué : et cela veut tout dire. Des groupuscules aux moyens financiers colossaux construisent par la rhétorique un gap intellectuel qui n’existe que dans leurs rêves et leur folie en stipulant que le monde est trop compliqué pour des masses d’abrutis. Ainsi ils se proposent de limiter l’expression de ce gap par les moyens technologiques. Quel projet! Au passage il revendique la supériorité intellectuelle et en conséquence se donne une obligation morale de réaliser ce projet ! Comment appelle-t-on cela?

Voilà un programme suffisamment important et grave pour affirmer que toute critique qui ne le réfute pas y consent. Or, rien dans les fact cheking sinon pour affirmer que le film mélange tout (ce qui est vrai), ôtant tout intérêt à discuter la thèse. Et voilà où nous échouons collectivement à confronter nos idées sur ce que l’on peut accepter des développements socio-techniques et de comment les envisager. La question est celle de l’usage de la rationalisation gestionnaire et technique appliquée à tous les secteurs et notamment à l’humain et à sa vie (nous dirons plutôt sa survie). Et peut-être que là est l’objectif du film, car autour des symboles, les gens se mobilisent.

Pour ma part, il y a un hygiénisme insupportable à l’horizon immédiat de cette pandémie. Hygiénisme moral, intellectuel, sanitaire porté par une croyance tout à fait irrationnelle aux « possibilités des nouvelles technologies ». Maîtrise du virus et de sa propagation, avec des masques, confinements et autres traçages etc. Hygiénisme social et moral car quelques cercles qui s’autoproclament « élites », qui posséderaient l’intelligence et la rationalité, sont seuls à pouvoir prendre les bonnes décisions et montrer la voie aux défis notre temps. Et cela me paraît des plus dangereux d’autant qu’ils sont justement les cibles de véritables potlatch (rendre « redevable » des personnes ou des groupes de personnes en leur offrant beaucoup) de la part des acteurs économiques les plus riches.

J’aimerais finir en m’amusant un peu de ces grands génies! Le journal 24 heures nous apprend que l’un d’eux, un économiste de la santé appelle à punir les sceptiques du Covid-19.

Il propose d’enregistrer le nom des sceptiques du Covid-19 et, s’ils sont infectés par le virus, de ne pas leur accorder un lit dans des unités de soins intensifs en cas de manque de place. Un tel procédé pourrait servir de signal, constate l’économiste. «Il faut souvent un malus pour que le système fonctionne».

https://www.24heures.ch/un-economiste-appelle-a-punir-les-sceptiques-du-covid-19-336082878013

Oui, un économiste de la santé, en fait un simple économiste : il y a donc dans la réflexion la colonne + et la colonne – de son tableur excel qui a remplacé toute autre notion ! On comprend qu’il est possible qu’il n’y ait pas assez de lits (déficit), donc une règle morale (très simple) voudrait que les personnes mentionnées soient les premières écartées.

Il faut arrêter là les Hold Up-s intellectuels et chercher de toute urgence une éthique reconstructive de notre tissus socio-politique.

*Oui, plus politique que sanitaire, car peu import l’état de la nature (virus et environnement vivant) il y a une interprétation humaine de ces aspects et des choix tout aussi humain en fonction de ce qui est possible de faire et dont on a les moyens. Des décisions sont certes prises dans le cadre régulé des institutions mais travaillé par des rapports de forces présents entre différents acteurs aux intérêts en compétitions.